Subventions sportives : la part de l’arbitraire

Entre 2015 et 2017, les subventions allouées aux associations sportives par la ville de Bordeaux ont baissé de 400 000€. Une restriction budgétaire importante qui ne l’empêche pourtant pas d’être plus généreuse avec certaines d’entre elles… La mairie est-t-elle bien fairplay ?

 

Quelle aide précieuse que celle de la Ville de Bordeaux. Quand le budget est serré, plusieurs milliers d’euros suffisent à faire vivre une association une année de plus. La solution : les subventions de fonctionnement, un accompagnement financier qui est utilisé pour payer les équipements sportifs mais aussi les déplacements, compétitions ou autres frais difficiles à assurer par simple cotisation d’adhérents.

La Ville distribue annuellement pour plus de 3,5 millions d’euros de subventions de fonctionnement à des structures de promotion et pratique du sport. Certaines récupèrent ainsi plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Mais obtenir ces subventions n’est pas chose aisée, et la mairie demande aux associations des efforts parfois considérables pour toucher la somme tant convoitée. « Quand on fait une demande de subvention, il faut remplir tout un dossier, et il faut mettre en place des actions – par exemple, la promotion du sport, en organisant des galas. » D’après Clément Bibard, moniteur de savate au sein du club multi-boxe Impacts33, il s’agit de prouver que l’utilisation de l’argent versé se fera à bon escient.

« En 2010, on avait eu une salle dans le quartier de Bacalan ; la Ville de Bordeaux nous a versé 9000€ parce qu’on s’était placé sur un quartier prioritaire, où on avait proposé des licences à 20€ au lieu de 250 », ajoute-t-il. Les subventions semblent donc être l’occasion, pour la Ville , de montrer que les enjeux vont au-delà de la seule pratique sportive. Mais souvent, les choix de la mairie paraissent bien arbitraires…

Un flou politique sur les critères d’attribution

Dans certaines associations, un sentiment de perplexité prédomine. En cause, la tendance de la mairie à la jouer un peu perso’. Le Stade Bordelais – ASPTT, fédération omnisport et hypyer-structure centenaire – plus de 5 000 adhérents et 25 activités différentes, de loisir comme de haut niveau – compte sur la mairie pour l’aider à tourner à plein régime.

Pourtant, si l’association obtient une enveloppe de la ville de plus de 700 000€ chaque année, M. Labarbe fustige un manque de liberté dans la répartition de ce budget : « Avant, la ville de bordeaux confiait un montant global : l’association appliquait ses propres critères et déterminait le montant à accorder à chaque section sportive ; mais depuis 6 ou 7 ans, on est obligé de respecter les attributions faites par la Ville de Bordeaux. »

Un déséquilibre se crée alors au niveau des subventions : pour presque le même nombre d’adhérents (environ 600), le club loisir de football est doté de 120 000€ par la Ville, quand celui de rugby ne bénéficie que de 54 000€. M. Labarbe, fait l’hypothèse d’une mise en valeur du football par la municipalité ; mais il regrette surtout le manque de clarté et l’opacité de la mairie concernant les critères d’attribution des subventions.

Pour le haut niveau, l’ASPTT essaie aussi de faire appel à la Ville. En vain : malgré la création d’un club olympique, un vivier d’athlètes préparés au Jeux Olympiques de Rio en 2016, impossible d’obtenir des subventions pour rembourser les frais de déplacement des sportifs sélectionnés. « On était l’un de clubs qui a envoyé le plus d’athlètes aux JO. Cinq venait de chez nous. On a sollicité l’aide de Bordeaux mais non, ils ont refusé », constate-t-il encore amer. Pourtant, certains clubs de haut niveau ont les faveurs de la mairie…

Les bons élèves

Le club unisport de haut niveau le mieux doté par la ville est sans conteste l’Union Bordeaux-Bègles, avec 500 000€ de subventions par an. Évoluant au sein du Top 14 et en coupe d’Europe, le club de rugby est privilégié, jouissant d’un financement public très élevé et stable. Difficile de savoir si ce choix est culturel, ou historique. Car si le football était préféré au rugby dans le cadre des loisirs au sein de l’ASPTT, dans le haut niveau, les subventions ne sont pas accordées de la même manière. Ainsi, les Girondins de Bordeaux ont perdu leur subvention annuelle de 240 000€ en 2015, du fait de la forte participation de la Ville dans le financement de leur nouveau stade, le Matmut Atlantique.

Un autre sport a aussi tapé dans l’œil de la mairie : le hockey sur glace. Depuis leur promotion au sein de la Ligue Magnus (le championnat national) en 2014, les Boxers de Bordeaux ont vu leur budget largement augmenter grâce aux subventions municipales. Passé de 87 000€ en 2014 à 280 000€ en 2016, le club semble avoir obtenu la confiance de la ville de Bordeaux.

Mais pour Stephan Tartari, manager en chef du club, une telle somme est justifiée : « Je pense qu’il y a certains clubs qui prennent l’argent, ils font n’importe quoi avec et ça déçoit la mairie. Là ils voient qu’il y a une stratégie commerciale, un bureau, des actionnaires sérieux. » Avec son accession au plus haut niveau national, les Boxers se sont dotés d’une bonne visibilité, et promeuvent, au-delà de leur sport, l’image de Bordeaux.

« En terme sportif, je pense qu’on est l’équipe la mieux placée de tous les sports bordelais à haut niveau », relève-t-il même. M. Tartari ne trouve d’ailleurs pas cette somme faramineuse, loin de là : « Les subventions de la Ville représentent 15% de notre budget total. Ce qui commence à être faible quand on voit certains clubs bordelais comme l’UBB ou le JSA basket, où, là, les subventions représentent un tiers voire 40% de leur budget total. » Selon lui, le club bordelais serait le moins doté, en terme de financements publics, de la Ligue Magnus.

Outre le sport

En 2017, le sport est loin d’être la seule catégorie moins subventionnée par la ville. Cette année, la perte de budget est globale, mais au vu des subventions, la ville de Bordeaux essaie-t-elle de mettre des catégories plus en avant que d’autres ? Car le sport n’est pas celle qui a subi la plus grosse baisse de subventions ces trois dernières années.

Le secteur « attractivité et rayonnement » semble être celui qui a connu la plus grosse coupe. Le chiffre le plus frappant est le montant des subventions accordées à l’Office de tourisme de Bordeaux, à savoir 1 795 000€ en 2014 et en 2015, contre zéro les deux années suivantes.

Une autre part de mystère, dans l’arbitrage sur l’attribution de ses subventions par la Ville de Bordeaux…

Enquête de Valentin Geny, Audrey Parmentier et Sacha Rosset

Lire le making-of de cette enquête